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Omer pencha. La selle le fessait. Les deux poings et les rênes heurtèrent les crins de l’encolure. Il se rejeta en arrière, oscilla. La peur de se voir à terre, roulé dans la luzerne, le crâne fendu par le fer d’un sabot, ne le persuada point cependant de recourir à sa ruse ordinaire, ni à l’arrêt de la bête. Il fallait courir. Il fallait, parce que l’homme doit surmonter la crainte : telle est la loi du courage que l’oncle prêchait, et pour quoi le père était mort. Donc Omer ne glisserait pas l’index même sous l’arçon. Le cavalier ne violerait pas le précepte d’équitation. La science acquise l’emporterait sur les conseils de la peur ; dût-il périr le front immédiatement ouvert par le pied de la jument, il respecterait la loi.

Les trèfles et les luzernes filaient sous le galop malin de la bête ; le vertige étourdissait les oreilles, cerclait la tête, noyait les mains de sueur. Un instant Omer fut presque le maître de la course. Il retombait au même centre de la selle ; et ses pieds ne quittèrent plus la base de l’étrier. Alors il put voir la plaine, le double bond des levriers qui se séparèrent aussitôt, l’un coupant à toute vitesse la route courbe du gibier, tandis que l’autre restait aux trousses. Le premier fondit sur le lièvre qui parut en l’air projeté en boule roussâtre. Elle fut reçue dans la gueule du second jailli vers la proie. Un cri pleura, comme d’un enfant, jusqu’à l’impassibilité de la plaine et du ciel. En même temps, une haie surgit. Par-dessus la tête de la jument qui d’un coup de reins se hissait dans le vide, Omer fut dardé ; sa tête choqua la terre, où il rebondit, entre des cailloux cinglants.

Pour répondre aux gestes du capitaine il se releva. Là-bas, Fly se ruait, parce que le fer des étriers la piquait aux flancs. Le jeune homme constata la déchirure de son habit et les érosions de ses paumes. La terre chancelait encore sous lui. Furieux, il serra les poings,