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le vent aux visages, malgré les claques de la selle, et l’infini des prés. Grâce à la ruse des doigts dans l’arçon, Omer ne savait même plus la malice de la jument. N’était-il pas centaure au gré de quatre jambes qui soulevaient la terre en jets ? D’où venait cette joie de sentir les mouvements d’une force l’entraîner ? Oh ! Son père avait ainsi frappé l’Europe du galop du cheval. Il s’était grisé de même. Et le fils évoqua l’homme aux yeux durs, de qui les grands pas traversaient les pièces. Les mains derrière le dos de son habit vert, il semblait mélancolique, au coin du feu ; ou bien, il se tenait si droit les jours de fête qu’on aurait dit une statue de la sévérité. Relues, les lettres écrites au bivouac, étaient soucieuses, pleines d’orgueil, attendries parfois en faveur de la tante Aurélie, à qui toujours le soldat demandait les conseils par l’entremise de sa femme. " ma mère ", pensa le jeune homme. Il l’entrevit dans le temps, toute jeune et vaniteuse pour sa tournure indolente en robe blanche jusqu’à la cheville sous quoi passaient les rubans grecs de l’escarpin. Pourquoi s’être séparés elle et lui, pourquoi le collège ? C’était la loi ! Et tout à coup, comme il sentait Fly docile ; une phrase du p. Anselme lui revint à l’esprit : " aveuglement les brutes suivent l’instinct ; la raison humaine sait les maximes qui résument l’expérience des ancêtres. C’est la loi ! Consécration de forces manifestes qu’il importe de respecter sous peine de folie !… " alors l’enfant se rappela les paragraphes du précis d’équitation. Soigneux de conformer ses actes aux préceptes bien que cela fut difficile, il ôta ses doigts de l’arçon, lâcha la selle. Il fut aussitôt lancé, bousculé, mais ne céda point à la tentation d’utiliser l’unique subterfuge qui lui épargnât les craintes de chute. Il ne devait pas. C’était la règle. Fly sauta une bordure d’épines, et galopa vivement.