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général Mina, avait contraint Ferdinand VII à jurer la constitution de la Jeune Europe.

― Tu comprends, petit, c’était moi qui avais appris les idées de la Révolution à Riego y Nunez lorsqu’il était, vers 1810, prisonnier dans ma garnison. Les dragons l’avaient capturé au temps où il se battait contre nous, pendant la première guerre d’Espagne, et mon colonel m’avait recommandé l’hidalgo. Je ne peux pas marchander mon aide à un pareil élève, qui soulève l’Espagne à lui tout seul, à peine réinstallé dans le pays des castagnettes… Toi aussi, tu agirais comme ça, je suppose ?… Hein ? Les jésuites ne t’ont pas encore enlevé le sens de l’honneur, sacrebleu !

Le dragon étonnait son neveu par cette vigueur toujours prête que n’avaient point lassée le séjour dans les casemates de Grodno, ni cinq ans de vie civile, d’ailleurs animée par de pareils voyages. En juillet, suivant les carbonari du général Pepe, il avait encore forcé le Bourbon de Naples à reconnaître la même constitution libérale.

Sans fin, il racontait ses exploits, avec les accents d’une verve enthousiaste. Surpris de retrouver un Omer presque jeune homme, aux joues déjà duveteuses, aux grandes jambes cavalières, il ne le quittait plus. Ces récits véhéments de l’oncle formaient un poème épique plein d’actions géantes et de héros farceurs. À leur exemple, déjà, se tenir sur un cheval enorgueillissait infiniment le collégien. Il dominait la plaine. Il sautait audacieusement l’obstacle. Il recevait le salut respectueux du piéton courbé sous la besace, celui du charretier écartant l’attelage à colliers sonores et monumentaux. Dès le seuil des fermes, les filles le désiraient, parfois lui souriaient avant que de s’enfuir, confuses de leur instinct. Encore qu’il refusât de l’avouer à sa conscience même, les paillardises formaient la meilleure part du plaisir goûté en compagnie de l’oncle. Il écoutait