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fouillaient tout. Ses cheveux gris en coup de vent ondulaient contre les tempes. Son poing serré tapa l’air.

― Hein ? ce curé qui place ses souliers en planton à la porte du prochain, pour qu’on lui f… la paix, pendant qu’il soutire l’argent des filles avant de les trousser !… Et tous ces bigots qui supportent ça ! Hein ?… Qu’est-ce que tu en penses, toi, graine de jésuite ?

Omer Héricourt n’avait pas le loisir d’une réflexion. L’ardent esprit de l’oncle racontait, à la fois, une algarade des guerres, critiquait méticuleusement les fautes d’équitation, louait ce martyr de Louvel qui avait, l’hiver précédent, « exécuté » sur les marches de l’Opéra le duc de Berry, pour venger enfin les assassinats royalistes du maréchal Brune, de Labédoyère, « le jeune et vaillant héros », du maréchal Ney, « la gloire de la France », des jumeaux Faucher, guillotinés à La Réole après que les brigands de la Terreur blanche eurent épouvanté la région ; aucun avocat n’avait osé les défendre devant le conseil de guerre. Le capitaine Lyrisse criait ses indignations aux moineaux des peupliers, aux coucous des bocages, à l’étendue de la campagne où peinaient, pacifiques et bestiales, de lourdes paysannes en courtes jupes d’indienne et en bavolets.

Car il revenait de loin, après de longs voyages aventureux. D’abord accouru de Paris, il avait franchi la frontière des Pyrénées à l’annonce de la marche du général Riego conduisant, depuis Cadix jusqu’à Malaga et vers les Castilles, la révolte de ses soldats : ils ne voulaient point aller, sur les vaisseaux de l’Inquisition, disputer aux mexicains une indépendance toute neuve. En mars, dès l’heure où l’Aragon, la Navarre et la Catalogne répondaient aux proclamations républicaines des libéraux espagnols et des philadelphes français, le capitaine, entré dans Madrid avec les proscrits du