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qu’il avait ramenés depuis Grodno. Mélancoliques et fins, ils trottinaient derrière les chevaux de chasse. Car le capitaine courut à tout propos le lièvre, dès que les moissons abattues livrèrent aux veneurs les éteules blondes.

Un soir, comme ils pénétraient, au retour, dans un village voisin de Sainte-Catherine, ils avisèrent deux souliers d’ecclésiastique abandonnés au seuil d’une petite maison. Les boucles d’argent luisaient.

En groupe de malveillance, pâles, indignées, l’écume sur les lèvres, des femmes aux bonnets de toile serrant leurs faces terreuses et joufflues, des hommes narquois en blouses courtes, gesticulaient et vociféraient contre un roulier qui frappait de son fouet à la porte, et qui menaça :

― Si tu n’ouvres pas, Sophie, j’enfonce la baraque et j’assomme tout… As-tu compris ?…

On ne répondit pas. Le roulier revint vers ses chevaux, attacha les guides au siège de l’énorme véhicule tout bossué sous la bâche. Mais les paysannes répétèrent :

― Tu ne vas pas troubler le sacrement, peut-être ?

― Nenni, que tu ne rentreras pas ! ― Hé ! sot ! tu peux pas laisser t’nièce à la pénitence sans braire, toudis comme baudet ? ― C’est-y pas un malheur d’insulter le prêtre de Celui qu’est mort sur la croix ! ― Quand l’curé y met ses souliers à t’porte, tu n’dois pas rentrer chez ti ! Voilà ! ― Voilà ! ― Tu n’rentreras pas, que j’te dis !

― Demi-tour ! ― hurla l’autre, faisant tête à la meute.

Sa voix fut celle d’un sergent qui commande à la troupe. Son geste fit claquer le fouet par-dessus les têtes ; les femmes geignirent.

Curieux, Omer et l’oncle Edme arrêtèrent leurs chevaux ; ils interrogeaient du regard.