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du sacerdoce par le père Anselme, Omer Héricourt inclina tout de suite vers les objections que l’oncle Edme éleva contre les dogmes. Oui, selon les principes de Jean-Jacques, il fallait vivre naïfs, s’en remettre à la nature, devenir des bêtes de force et de joie, danser avec les glaneuses et les moissonneurs au son des pipeaux, embrasser vigoureusement les beautés naturelles, ne pas craindre la mort qui est une loi nécessaire, vanter le goût du vin et des fruits, lever son verre, baiser le sein de Lisette, et chanter la gloire, sous la tonnelle.

Herminie et Corinne louèrent l’usage de cette philosophie. Vite, elles se révélèrent demoiselle friponne et mère passionnée. Nommant Anacréon, Horace, Théocrite, elles n’épargnaient pas les citations de ces « grands hommes ». Elles en lurent aux pages d’un almanach. Dans le potager, au fond de la gloriette, Herminie s’assit sur les genoux du capitaine. Bergère émoustillée montrant une jambe bien faite, et un petit sein maigre hors de sa robe d’organdi qui glissait de l’épaule, elle remontait, d’une menotte brunie par les travaux du jardin, gracieusement, les falbalas obstinés à choir. Les brides défaites de son bonnet blanc battaient autour des frisures. Elle roucoulait des romances polissonnes, en débouchant la bouteille. Omer désira qu’elle lui fût caressante. Le sang fou bondit aux oreilles du collégien. Ses yeux se troublèrent. Il rit de la rougeur qu’on lui vit au visage.

Corinne savait par cœur les monologues de Racine. Deux ou trois fois, pendant de courts voyages à Paris, elle avait vu, dit-elle, jouer la tragédie au théâtre sis dans le Palais du Tribunat. Enveloppée de son écharpe et coiffée de son turban rose, elle imita les postures de l’actrice, Mlle  Duchesnois. Pour un garçon de quatorze ans, elle ressuscita bien la passion littéraire d’une reine antique.