Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corps, fondre les cristaux de la praline. L’Omer habituel était moins fertile en impressions ; plus isolé, fruste et endormi. Qu’un macaron de Frascati fut moulu entre les mâchoires, s’émiettât, transmît à cent points de la langue et du palais telles satisfactions imprévues, le gourmand se croyait un Omer centuple ; car l’esprit s’augmentait alors de cent manières d’être affecté. Un Omer paisible avalait la soupe aux pommes de terre, content de cette chaleur emplissante. Un Omer astucieux rongeait l’os de veau avec science afin de détacher le vernis de graisse sublimée par la cuisson et collée en suc croustillant le long de la côtelette. Un Omer vorace et puissant mastiquait le bœuf, triturait, réduisait et mâchait, victorieux enfin de la proie conquise, puis adjointe à sa force. Un Omer cupide mordait une pêche, la prenait toute, chair et peau, l’eût voulue renaissante à mesure qu’il l’absorbait. En dégustant il s’étudiait sans peine. À chaque repas, il prenait conscience de ses vertus bien mieux qu’en aucune heure du jour. Parce que sa dent avait vaincu la résistance d’un biscuit oublié longtemps au fond de l’armoire, il risquait de saisir le cou du chat, puis de l’étreindre à bras le corps ; ayant jugé d’abord la mesure de sa vigueur, au goûter. Sûr d’une malice qui lui avait permis de découvrir la noix au cœur de la gaine, il tentait d’ouvrir une porte close au verrou, et il y parvenait en appliquant les principes observés naguère pour l’apaisement de la faim. Très vite il sut démonter par ces motifs, les roues de ses chariots, et détacher le chapeau de son polichinelle. Vautré sur le tapis d’une chambre, il déduisait de ses connaissances gustatives, les lois nécessaires aux entreprises d’une curiosité fureteuse. Ainsi le sens du goût l’éduqua, lui enseigna les valeurs de son ingéniosité.

Pour l’éprouver, il aima faire des niches. Caché entre le battant d’une porte béante et la muraille, il