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de moi l’instrument de l’ordre, cadavre inerte et docile, perinde ac cadaver. Et maintenant je bois le fiel de l’éponge, je le savoure avec délices… Pensez à la croix d’abord. Crucifiez-vous…, si vous prétendez à l’honneur de représenter le Crucifié parmi les hommes… Avez-vous des chagrins ?

― Oui.

― Lesquels ?

― La honte de mes mauvaises notes en littérature et en grammaire… Souvent je souhaite d’avoir un précepteur chez ma mère, et d’apprendre auprès d’elle, en Lorraine. Ici, je crains la méchanceté de deux ou trois camarades. Et je m’ennuie pendant les classes ; j’ai sommeil devant les cahiers de thèmes, de versions grecques… Les succès de mon cousin Édouard me font souffrir. Je le hais un peu de réussir en tout. Ses gestes impérieux me blessent… Pourquoi n’ai-je point son acharnement au travail ?… Je m’applique parfois de toutes mes forces à un thème : on y découvre cependant beaucoup de solécismes et de barbarismes. Quand je prépare la traduction d’un texte avec soin, je commets autant de contresens que si je bâcle… Alors je ne sais plus… Je me décourage… Tout me rebute ; et je m’ennuie… Oh ! je m’ennuie !

― Il y a les récréations !

― Elles sont trop courtes. On pense tout le temps qu’elles vont finir. Je ne suis pas assez robuste pour l’emporter dans les jeux. C’est mon cousin qui gagne les parties et qu’on recherche dans les camps. On se moque de mes maladresses… Je n’ai pas de chance, et je m’ennuie…

― Non. Vous enviez.

La voix jugeait ainsi, sourde et sévère.

L’enfant sentit son âme nue. Il trembla doucement, et des sanglots lui vinrent à la gorge. Il les ravala.

― Vous enviez votre cousin et, non seulement ses