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ture et le héros. Dieudonné Cavrois interrogeait sans cesse. Omer ne sut lequel imiter. Bientôt il dut répondre personnellement aux mille questions du soldat déclamateur, qui espérait tout d’un Héricourt, même, dans l’avenir, la révolution.

À se voir soudain pourvu d’une pareille importance, en dépit de ses douze ans, Omer Héricourt gagna de la vanité. Ses cousins, jusqu’alors dédaigneux de lui plaire, regardaient avec des yeux d’admiration le fils du dragon impérial qui avait glorieusement péri, après de si beaux exploits dans les plaines germaniques. L’oncle Edme en savait d’innombrables et les racontait, en s’agitant, en brandissant des sabres illusoires, en imitant les voix de canons, les cris des fantassins, les galops des cavaleries. Sa redingote bleue voletait autour de sa taille mince. Ses bottes à revers faisaient sortir la poussière du tapis qu’il piétinait dans le salon de Caroline Cavrois, indulgente et occupée dehors. Il exaltait l’état militaire, l’honneur des officiers, la vertu des jacobins et distribuait des pièces d’argent à ses jeunes auditeurs s’ils promettaient de combattre, plus tard, pour le Roi de Rome. Ils n’y manquèrent pas, très sincères, imbus déjà de l’orgueil que justifierait, dans l’avenir, leur victoire. Éblouis de leur courage, ils rentrèrent au collège avec des mines de guerre et des esprits de révolte, car ils ne se rappelaient plus sans haine avoir raillé, durant les vacances, dans les rues d’Arras, les Anglais. C’était l’ennemi, c’étaient les séides des tyrans et les amis des Bourbons, ceux-là même qui les ramenaient de force dans la patrie de Mirabeau.

Cependant il fallut tout dire au confesseur, dès le premier samedi. Le père Gladis blâma l’imprudence des promesses faites. Omer savait-il quelle situation la vie lui réservait ? À moins de se fermer toutes les carrières honorifiques, celles du prêtre, de l’officier, du fonctionnaire, du magistrat, ne devait-il pas d’abord prêter