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choir à la victime ahurie. Omer renonçait à la recherche difficile, car, tout à coup, transparaissaient, entre les lignes de sa copie, le château de Lorraine et les arbres en fleurs d’un printemps, le bond de Médor vers le vol du merle, enfin maman Virginie étendue sur le sofa dans le salon des colonnes, Céline chaude et son gros baiser humide, l’âne au trot par la rue ensoleillée du village, le cabinet jaune du bisaïeul, ses livres d’images, ses amicales gronderies, la lyre d’Orphée, les breloques maçonniques et le petit temple de bois… oh ! La terrible initiation du collège, plus atroce que celle de Moïse aux souterrains de Memphis ! Le silence persistait dans la classe lugubre, badigeonnée d’ocre. Entre les pupitres écornés, marchant de long en large, le père Corbinon ne se pressait point ; il regardait l’averse oblique rayer les fenêtres nues. Il allait jusque-là, revenait, repartait, sans impatience ni colère. Enfin la voix sèche interrogeait : ― combien notre-seigneur est-il tombé de fois sur le chemin du calvaire ? ― trois fois ! Répondait sourdement l’élève certain du pensum. ― eh bien, monsieur, vous copierez trois fois à genoux pendant la récréation, sur le banc du préau, le paragraphe 38 de la grammaire latine ; et vous offrirez cette peine au seigneur, en le remerciant de vous éprouver ainsi !… Monsieur Pierquin, quel est le solécisme ? Omer lâchait enfin le soupir de son angoisse. C’était une honte terrible que de rester ainsi muet parmi le silence de la classe, un gros quart d’heure parfois. L’ignorance du patient semblait au pilori. Il croyait au mépris des quatorze condisciples épars devant les tables et qui remuaient avec précaution les pages des cahiers, ou bien étouffaient le grattement des plumes d’oie. Hors de la classe, le père Corbinon recommandait certains exercices bizarres, comme d’aller, en hiver, nu-pieds, au lavabo, pour contraindre la délicatesse