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Outre la sagesse du maître, il savait devoir un jour la posséder. Les siens étaient grands. Leur sang précieux battait dans son cœur hardi. Dirigeant les yeux vers la seule chose neuve et somptueuse de la salle, il adora le portrait de son père.

« C’est donc toi — pensa-t-il confusément. — toi qui vainquis… toi qui terrassais les hommes hideux dont ma figure éprouva la lourde injure, ô mon père !… Ta fureur les aurait détruits comme je voulais les détruire en mordant. C’est toi qui tressaillis en moi, certainement, et qui te rebellas sous l’outrage. Cher héros ! Que ton visage est fier, et que puissant est ton regard d’où jaillit l’énergie de ton âme ! Si tu n’étais pas mort là-bas, jamais ces brutes de l’Asie n’eussent foulé le sol de France ; si tu n’étais pas mort, toi, ni les autres pareils à toi… Mais es-tu mort, ô mon père ? N’est-ce pas ta vigueur qui vient à l’instant d’éveiller ma vengeance ? On prétend que je te ressemble trait pour trait. Oui, oui, tu viens de renaître en ma chair d’enfant, force de mon père ! Je suis autre qu’hier, je suis un homme qui ne pleure pas devant l’ennemi. Je serai toi. Je grandirai pour devenir ton égal ; et, comme toi, je chasserai les Barbares qui se lèveront contre le drapeau de la fraternité et de l’égalité. Cela est magnifique et digne de notre race, ô père que j’ignorais jusqu’à ce jour ! Voici que tous les propos louant ton caractère et ta vertu s’assemblent en ma mémoire pour te faire vivre dans mon corps chétif, dans mon âme riche de vaillance. Je ne suis plus un petit enfant ridicule et peureux, tu sais ! Je suis capable de devenir, moi aussi, l’homme qui triomphe ! Yeux du portrait, regardez-moi sans honte ! »

Ainsi chanta la volonté d’Omer Héricourt au moment où son être prit conscience de sa race, pour la première fois.

Il garda cet orgueil. Ses adieux au parrain, quelques