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— Et c’est de pareils iroquois qui battent l’empereur Napoléon !… Ça, jamais que je le croirai !

― Marche au fournil, leur ouvrir, qu’ils n’empestent plus par ici…

Ces brocards engageaient au courage le fils du colonel Héricourt. Derrière les jupes de Céline, sans trop de terreur, il aborda les sauvages à mufles de gros chiens, si frères de Médor. En vérité, les uns accroupis, les autres étendus parmi la paille fraîche dont le jardinier apporta la dernière gerbe, ils ne différaient guère du bétail. Évitant de leur parler, Céline fut ouvrir le fournil, pendant qu’ils se distribuaient du pain, et que, voraces, ils y mordaient. Quand ils virent, à l’intérieur de l’âtre, le feu que la nourrice allumait, ils gloussèrent ensemble de satisfaction. Tout de suite, ils se montrèrent les paquets de chandelles et d’oignons pendus aux clous de la solive. Un gros homme poilu de gris jusqu’aux oreilles se leva. Déplaçant un escabeau, il grimpa, détacha prestement oignons et chandelles. Vingt poignes crasseuses se tendirent vers l’aubaine. De leurs couteaux, les Cosaques écrasèrent le suif sur les tartines, hachèrent l’oignon, salèrent et mangèrent le tout, si promptement, que des bribes de chandelle se collèrent à leurs moustaches de barbets.

― Pouah ! grognait Céline. Les sales garçons !… Ça nous ferait rendre le cœur. Allons-nous-en…

Héroïque, Omer exagérait par son rire la vaillance de sa bravade devant les vainqueurs. Il fallut que Céline le pinçât afin qu’il réprimât sa gaieté.

La horde repue enlevait ses haillons, rejetait ses loques boueuses, délaçait les courroies, et ôtait les bottes. La plupart se plantaient déjà sur d’énormes pieds nus, rouges, écorchés ou striés de cicatrices. Leurs chemises de couleur flottèrent par-dessus leurs pantalons, et ils s’avançaient vers le feu, en se taquinant avec des coups de poing. Pour la remercier de sa complaisance, ils