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Deux crosses de pistolets parurent dans les pochettes du ceinturon. Et presque aussitôt, une dizaine de pareils loqueteux débouchèrent d’une traverse, au galop de petites bêtes qu’ils fouettaient. Certains avaient des pelisses de hussards craquées aux coutures. L’un, coiffé en arrière d’un casque à chenille, portait en sautoir une giberne d’infanterie à baudrier blanc. Plusieurs, outre la lance et le sabre, maintenaient, en travers de la selle, des fusils pourvus de baïonnettes. Barbus et criards, ils s’arrêtèrent aussi, gesticulant vers le lointain. Un gros jeune homme, ceint d’une écharpe à franges d’argent par-dessus la redingote, ôta sa casquette verte en ralentissant l’allure de son beau cheval. D’un signe de tête, il rejeta les boucles qui lui cachaient les oreilles, et demanda poliment : ― déjà, est-il Nanzy ? ― Nancy… c’est… tout droit, ― répondit très vite Omer, parce qu’il indiquait souvent aux voyageurs la direction de la ville. ― donc, merci. Le gros jeune homme commanda les cosaques en langue incompréhensible ; ensuite il fit sonner sa montre. ― rentrons vite ! Supplia Céline, très pâle. D’une lourde tape sur le garrot, elle mit l’âne en marche et lui fit tourner la croupe à la route impériale. Omer n’osa voir la horde à cheval dont il entendit retentir les sabots et les armes, en arrière. Et il commença de céder à son épouvante. Le fourrier du grand-père attribuait tant de crimes affreux aux cosaques et aux baskirs, qui tuent les blessés pour les mieux dépouiller, qui pillent les bagages, et emmènent les femmes par troupeaux ! à la pointe de la lance, ils poussent les prisonniers, sans miséricorde, vers leurs ignobles bivouacs. Omer devinait des abominations : des têtes fraîchement