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cuir écorché, sa toque en poil de mouton. L’enfant consulta Céline de l’œil ; tous deux éclatèrent de rire. Elle dût même s’appuyer à la selle de l’âne : ― ravise, min p’tiot, qué sauvage ! Ah ! Ma mère ! I’r’vient du marché, le papa… c’est-y pas des oies qu’il a après sa ceinture !… à c’t’heure ! Qué pratique ! La quinte de son rire gras n’en finissait plus ; elle mit les poings aux hanches, pour joindre à sa raillerie une attitude arrogante. Omer eut crainte que l’individu ne se fâchât, mais n’osa le dire. Il fit signe à sa nourrice, dont la gaieté remua fougueusement l’ample poitrine, le ventre et la gorge, le fichu à ramages et les cotillons troussés. Ce que voyant, Médor s’arc-bouta sur ses quatre pattes, puis aboya furieusement, les poils de l’échine hérissés. L’homme fut tout proche. Il arrêta le petit cheval d’un coup de bride. Sous les broussailles des sourcils, deux pupilles noires s’amusèrent de la rieuse et du chien. Le nez court renifla trois ou quatre fois. Une large bouche s’ouvrit dans la barbe pour articuler difficilement : ― naan-zéï ?… son doigt rugueux et noir montrait la direction de la route par delà le village. Il renifla ; puis répéta sa question : ― naan-zéï ?… alors seulement Omer découvrit un sabre accroché à la gauche du sauvage, puis le fer aigu de la perche liée au bras. ― Céline, ― murmura-t-il, ― c’est un soldat… la nourrice fut alors immobile et silencieuse. Les genoux du petit garçon tremblèrent avant qu’il eût réfléchi suffisamment aux motifs de sa peur. ― ma mère !… avec ce qu’on dit des cosaques !… ― naan-zéï ? ― recommença d’interroger l’intrus.