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un traitement antiphlogistique, on peut encore sauver le général… mais il est faible… ses tissus sont bien malades… hé, hé ! Ce sont des tissus de soixante ans. Le troisième, élégamment vêtu de noir, garda le silence d’abord ; il remettait ses gants de daim. Questionné, il avoua dans un joli sourire, en tapotant ses frisures au-dessus de l’oreille : ― j’appréhende qu’il y ait peu d’espoir madame !… et il se courba dans une grande révérence. Alors maman Virginie tomba dans le fauteuil et joignit les mains devant son visage. Les messieurs s’éclipsèrent, au lit, grand-père bougonnait, gourmandait. Sa petite figure velue de gris s’exaspérait, crachait au milieu de grands mouchoirs. Par moments, il considérait sur la peau de ses bras musclés ou de sa poitrine osseuse, certaines érosions violâtres ; il les frottait doucement avec le besoin de les faire ainsi disparaître. Le bisaïeul et lui causaient à voix basse. Gravement, Omer guettait là, curieux de la mort. Qu’était-elle ? N’allait-elle pas se trahir dans les regards du vieil homme au chef déplumé, en ce crâne de squelette déjà ? L’enfant attendit qu’elle se révélât aux prunelles de ces petits yeux enfoncés dans les halos de bistre. Elle tardait. Lors des étrennes, en 1814, Omer reçut pour cadeau un âne complètement harnaché que Céline guidait par la bride. Ce fut la plus vive joie que le petit garçon eût jamais ressentie. D’abord il se comparait à notre-seigneur lorsqu’il entra dans Jérusalem. Mais au bout de quelques jours il se plut à l’exercice de sa volonté sur une bête docile. Et il se connut alors une âme de maître. Mener, conduire, arrêter, pousser en avant, faire tourner à droite et à gauche une vie résistante : quelle cause nouvelle de surprises, d’essais, de triomphes ! Minos et