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bisaïeul, l’histoire des magiciens, celle d’Hiram et de Moïse, et quelles épreuves ces héros affrontèrent avant de gagner leur pouvoir.

Il enseigna donc aux écoliers sa science propre quand la fatigue arrêtait le simulacre de la guerre.

Du haut des sacs il descendait à grands pas nobles, tel Moïse revenant du mont Sinaï, vers les Hébreux des tentes. Sur la cime, il avait appris, disait-il, qu’un seul Dieu existe. Il se nomme Tout. Il comprend les astres, le monde, la terre et les hommes mêmes. Et lui, son prophète, instruit dans les sciences secrètes des sanctuaires égyptiens, apportait la loi devant laquelle s’abaissent les glaives et les armes.

Souvent les partenaires refusaient d’abattre les baguettes. À l’instar des anciens mages, Omer imitait alors le bruit du tonnerre et des éclairs, puis se fâchait, menaçant d’appeler Céline qui priverait de crêpes les incrédules. Alors ceux-ci consentaient à le reconnaître législateur, à voir les sources jaillir de sa baguette, et flamboyer les nuages, et pousser en un clin d’œil l’herbe de la manne sur le sol de l’orangerie. Manne imaginaire bientôt remplacée par les noisettes et les tartines du goûter réel. Ainsi triomphait la loi sur la force, en persuadant les foules au moyen des tentations de la paix.

Las de les convaincre, Omer Héricourt préféra jouer seul au salon des colonnes.


Certain soir, le parrain entra précipitamment. Il montrait une lettre du volumineux courrier retenu dans le pli de son bras gauche.

― Edme est sauf à Grodno ! Cria-t-il. La loge de la croix de fer me le fait savoir. Nos frères prussiens ont pu se renseigner auprès de l’armée russe. À Krasnoë, les Cosaques ont réquisitionné sa charrette dans une ferme, avec les fourgons d’autres blessés… Ils ont voulu