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— Bernadotte et Moreau ont refusé, quand Sieyès et Talleyrand le proposèrent, d’étouffer la République au moyen d’un coup de force. Bonaparte accepta, lui, la besogne de Brumaire. Il a trahi les idées de ses collègues restés fidèles à leurs convictions. Voilà pourquoi ils répondent à l’appel du Tugendbund et des carbonari !

― Il fallait bien en finir avec les Jacobins.

― Et pourquoi donc ?

Malvina répondit par un haussement d’épaules et fut aux vitres battre une marche militaire en regardant le parc.

Habituellement, Omer Héricourt n’aimait pas les camarades qu’on imposait à ses ébats. Interdits, ceux-là n’osaient courir d’abord. Bientôt leur force et leur adresse de rustres l’humiliaient. Le cuir ou bien l’ail les parfumaient trop en outre. Ils se réjouissaient impudemment de le distancer dans les poursuites. Même ils finissaient par l’omettre, lors de la distribution des rôles. Un jour, ils arrachèrent, se la disputant, la tête du pantin vêtu en général qui chevauchait Médor, sur une vraie selle de cuir. On la sanglait aux flancs du chien. Ce présent était dû à l’invention de maman Virginie pour consoler Omer de ne pouvoir lui-même monter l’animal indocile. L’enfant éprouva une grosse peine. Mais quand les sacs de la tante Caroline eurent été déchargés, roulés, portés, empilés partout, la présence des gamins fut une joie. Pourvus de baguettes et d’éclats de bûches, n’étaient-ils pas les Français conquérant Moscow, escaladant les monts de blé, se jetant du haut en bas des piles, ainsi que du haut des remparts… Omer s’intitulait empereur sans discussion, puisqu’il avait sur la tête un vieux bonnet de police brodé en or, couvre-chef de son grand-père.

La fureur de ces exploits dura jusqu’à la fin de l’hiver dans l’immense orangerie tiède après l’heure de soleil. Que de sacs dégringolèrent avec les grappes d’achar-