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des colonnes pour y recevoir toute espèce de gens malotrus, fermiers, propriétaires, convoyeurs et rouliers, tandis que, dans le parc, les fouets, autour des attelages, claquaient entre les cris des essieux et des cailloux rompus par les lourdes roues des chariots. Elle écrivait en appuyant ; la plume d’oie, sous la main blême grinçait. Les villageois empochaient les titres de vente. Bientôt, la tante se hâtait de repartir dans un haut cabriolet jaune à la capote lépreuse, et couvert de crotte. Elle menait elle-même la jument grise, très rapide. Tant qu’il en put contenir, elle engrangea dans le château la moisson d’août. Ensuite, des filles et des gars en sueur édifièrent tant de meules sur les pelouses qu’on dut se priver d’y cueillir les fleurs. Cent voitures dételées et munies de vastes bâches restaient à la file dans les ornières des avenues, le long des allées d’eau. On déménagea les meubles vermoulus des mansardes afin d’y pouvoir hisser les gerbes à la poulie, contre la façade. Médor haletait, aboyait à la tête des percherons, menaçait tout ce tumulte inquiétant. Le grand-père, les deux oncles, Augustin, Edme, étaient à la guerre, avec la légende, radieuse à nouveau, tout épanouie dans le soleil de juin. Les cuirassiers du général avaient chargé à Bautzen, et ses lettres annonçaient en triomphe la Saxe reconquise. Leur ami le général Pithouët data ses missives de Hambourg et de Lübeck, villes françaises. La nouvelle d’un armistice promit la paix. Malvina chantait la gloire de l’empire, parce que son mari, prisonnier sur parole à Riga, ne s’en trouvait pas mal, écrivait-il. ― eh bien, Bel oiseau de malheur, riait-elle devant le vieux, sourcillant parmi ses paperasses, où besognent donc vos ja… coquins ? à vous entendre, tous les suppôts de la révolution, les admirateurs de Marat et de Robespierre, les francs-maçons et les philadelphes