Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la coiffe. Les miracles succédaient aux miracles.

Un rustre doutait-il ? L’escamoteur lui donnait à tenir dans la main le fichu écarlate qui, la main rouverte, paraissait un chiffon bleu en loques, mais, la main ayant été refermée, rouverte encore, la soie écarlate et neuve en sortait intacte, comme devant. Omer, incrédule d’abord, cherchait à découvrir le subterfuge. Peu à peu la franchise du bateleur le convainquit. N’avait-il pas fait tenir au petit Bertrand Lefebvre le chapeau dans lequel fut confectionnée l’omelette ; et Bertrand affirmait n’avoir rien vu d’insolite, rien autre que des œufs cassés, battus par la fourchette et qui fumèrent, s’épaissirent, devinrent la solide omelette lancée en l’air, rattrapée dans le couvre-chef. Certainement cet homme trapu possédait la puissance artificieuse qu’il prétendait tenir du roi Salomon, à en croire son intarissable discours. Mme Cavrois s’ébahit même jusqu’à donner une pièce blanche quand la dame au châle vert et jaune tendit le plateau de la quête.

Avant cette heure de révélation, les histoires du bisaïeul, touchant la vie des Mages, d’Hiram, l’architecte des Chevaliers du Temple, des Rose-Croix, des Illuminés d’Allemagne, de Cagliostro, de Cazotte, semblaient certes avoir été véridiques, dans les temps fort anciens, mais Omer soupçonnait le siècle actuel de ne point souffrir aisément la répétition de leurs réalités singulières. Que jadis Moïse eût fendu la mer avec sa verge sacrée, c’était sûr. Cependant l’empereur Napoléon lui-même n’eût pu, estimait-il, recommencer le prodige, bien qu’il fît tomber les murs des villes au son des canons, comme Josué les fit s’abattre au son des trompettes ; lesquelles, selon le bisaïeul, pouvaient bien avoir été des canons d’une sorte particulière, ainsi nommés pour le bruit spécial de leurs détonations. Aujourd’hui la preuve des miracles existait. Ce bateleur arrogant et misérable avait accompli