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V

Quelques jours après, tante Malvina fut très belle. Baignée, coiffée, elle parut en douleur, pimpante, rafraîchie par un spencer de velours orange à épaulettes et qu’un cordon de soie fixait sous l’opulente poitrine. Ces appas, non moins que le courage marqué par cette transformation féerique, décidèrent l’amitié du petit garçon.

Le dimanche, elle le conduisit à la messe. Il n’aima guère voir les paysannes du bourg se retourner, moqueuses, sur la dame. En effet, elle portait un chapeau de haute forme, pareil à celui de l’oncle Edme, quand il n’était point vêtu en dragon, un chapeau luisant, piqué d’une cocarde verte, et qu’elle appelait vaniteusement : « mon jockey ! » Elle l’avait reçu de Paris dans une caisse, par la malle-poste. La tante ne semblait pas s’apercevoir des ironies rustiques, des sourires malins qu’échangeaient les hommes en ôtant, pour cracher, la pipe de leurs bouches. Mais elle s’avançait toute fière et joyeuse, sûre de soi. Omer jugea qu’elle avait raison. Ces rustaudes en tablier de soie noire, à lourde cornette tuyautée, roide, ignoraient certainement « le bon genre ».

De la tante, il chérissait de nouveau les parfums. Qu’elle modulât de sa bouche délicate l’air de la Reine Hortense en secouant les lumières de sa belle face et les topazes oblongues pendues à ses fines oreilles, Omer