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teints sinistres balafrés de suie, et de morve gelée aux narines ? Les genoux cagneux des hommes flageolaient dans les culottes rapiécées de morceaux disparates et ficelées de cordes ! Ils salissaient la neige, partout. Leurs haleines restaient en vapeurs contre leurs figures… soudain, ils se précipitèrent jusqu’à la maison du péage, qui était devant les glacis ; ils l’entourèrent, l’assaillirent, grimpèrent au toit et, à coups de hache, de serpe, de sabre, de crosses, ils la démolirent. Ceux d’en haut jetaient à ceux d’en bas les planches. En un instant, on avait ôté de leurs gonds les portes et les volets, déboîté les croisillons des fenêtres. Cela flambait déjà par tourbillons de fumée noirâtre, autour de quoi se couchaient les malades à peine abrités contre les coupures de la bise par les voitures. De la maison qui était en bois, il ne resta bientôt que la place. Mais une trentaine de feux pétillaient au milieu de la foule, devant les chariots. Alors toute cette misérable multitude s’accroupit là en attendant la venue de la garde impériale. Il y en avait jusqu’à l’horizon. Ils râclaient la neige de leurs ongles et la mangeaient. Les plus heureux rongeaient les os du cheval abattu, dont il ne demeurait que la carcasse et les sabots parmi une mare rouge ; des chiens léchaient le sang. En peu de temps, ils parurent s’endormir tous. Je les entendis ronfler. Cela faisait comme un bourdonnement de moustiques. " je voyais cela de ma fenêtre. Elle dominait le rempart en ruines, dans la maison où m’avait installée Augustin au mois d’août. Des maraudeurs en avaient, aux premières nuits d’hiver, arraché la porte et les auvents pour leurs foyers ; personne n’avait cependant osé rien entreprendre à l’étage, car plusieurs commis d’un munitionnaire étant venus, par réquisition, habiter les combles avec des paperasses et leur caisse, ils avaient voulu qu’un planton veillât toujours dans le corridor. " mon dieu !