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d’une sabretache pendue à son cou un papier. Il le déplia. Mais un officier de la place répéta les termes de sa consigne. Elle défendait qu’aucun homme de troupe, officier ou non, entrât dans Smolensk avant la garde impériale. On pouvait seulement leur permettre d’établir le bivouac sur les côtes de la route jusqu’au soir. Le colonel jura, et s’emporta. Rien ne fit. D’autres misérables arrivaient, en horde. Quelle lamentation ! Mille sarcasmes étaient adressés à cette garde pour qui l’état-major réserve, il faut bien le dire, tous les coups glorieux les jours de bataille, et tous les bons cantonnements. Si tu avais vu, ma bonne, ces figures violettes de froid, noires de crasse, hurler ensemble, injurier Dieu, les hommes et l’empereur ! Les uns se laissaient choir à terre en tas ; et ils pleuraient dans leurs manches, comme des petites filles ! Les autres frappaient le sol de leurs pieds presque gelés, en poussant des clameurs de vengeance !… les soldats de la place restaient impassibles devant le colonel et sa mante d’hermine : " nous " sommes une troupe organisée, nous avons nos armes " et nos chevaux. De quel droit refuserez-vous le " gîte de l’étape au 8e régiment de hussards, " criait son colonel. Voici mon brevet, ma " commission et mes pouvoirs ! " ah ! Le pauvre homme… son haleine fumait… il trépignait devant l’officier du gouverneur, qui, d’abord, s’excusa… puis demeura muet, derrière la barricade de briques brûlées prises aux décombres de l’incendie d’août, celui qui détruisit les faubourgs et la moitié de la ville, lors de l’assaut. Ah ! Ma chérie, ma chérie ! C’était à fendre l’âme… et quel froid !… quel ciel de plomb sur le paysage de neige et de boue, sur les flots verdâtres et rapides du Borysthène, entraînant des glaçons sales ! Mon dieu ! Et le chariot que tiraient malaisément les vingt chevaux de hussards parvint aussi. Au dernier effort pour le sortir de l’ornière, une des bêtes butta et s’abattit. Aussitôt la foule des sauvages