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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Si je ressens quelque tristesse, je n’ai pas demandé au Père que ce calice fût écarté de mes lèvres, moi !… Moi !… Tandis que toi, tu supplies déjà les Éons afin qu’ils détournent de toi la première coupe d’amertume, enfant !… Tu veux jeter le sceptre avant d’avoir appris à manier son poids. Tu ressembles à celui qui, monté dans un char, abandonnerait les rênes dès que le quadrige s’efforcerait de courir, et qui n’aurait pas la prudence de lui laisser finir quelques tours de piste, afin de l’habituer, peu à peu, à subir la volonté du conducteur. Donc il sied que tu exerces ta patience jusqu’à ce que tu aies dompté ton attelage, le jeune étalon et le vieux cheval de bataille. Entends-moi.

Irène se raffermissait. Léon entra.

— Par Bacchus, cria-t-il, voici ton eunuque lâché. Remercie mon obstination, ô maîtresse des Romains. Ensuite, tu danseras. Au sortir du conseil j’aime voir danser une belle femme dont les seins tressautent. Leur lueur éblouit les soucis qui s’envolent comme les oiseaux de nuit aux premiers rayons du soleil… Eh ! Hâte-toi, Irène d’Athènes. Dépouille-toi… Danse, maîtresse des Romains ! L’eunuque gardera la porte.

Mais ce n’était là qu’une facétie.