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IRÈNE ET LES EUNUQUES

toutes les femmes de l’Orient et de l’Occident, par les évêques, les patrices et l’empire, cette intelligence qu’elle avait crue propre à dominer les hommes, cette intelligence comptait peu dans le Palais même où elle l’avait introduite. Moqueur et crédule, le vétéran avait tenu cette intelligence pour une faculté plaisante, douteuse, presqu’irréelle. Irène se connaissait l’influence stricte d’une servante choisie comme concubine par le caprice des ministres, puisque Pépin avait refusé sa fille catholique à l’iconoclaste Léon. Caprice regretté maintenant, ou du moins estimé tel qu’un sacrifice à la popularité de la dynastie Isaurienne ; car le peuple vaniteux de s’être allié à ses maîtres militaires les aimait davantage.

Au moment de pénétrer dans ses appartements, Irène aperçut Bythométrès qu’un soldat guidait. Du froid la traversa toute. Elle enjoignit à l’escorte de les laisser. Puis elle s’affaissa, tordue par un sanglot, sur le trône d’ivoire.

— Irène, que ta force est faible !… gronda Jean.

Il employait la langue de la Kabbale, un vieil hébreu, probablement inconnu des cubiculaires espions. Confuse, elle le regarda qui demeurait immobile sous la cagoule de bure, et dans les ailes repliées de son manteau noir. Allait-il parler de l’heure douloureuse où elle avait voulu qu’il l’aimât ? Elle redoutait cette parole. Il dit seulement :

— Puis-je ignorer quels changements se sont accomplis dans ton cœur, Irène ? Ils devaient s’accomplir.