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IRÈNE ET LES EUNUQUES

tra sa bouche vide dans la mousse argentée de sa barbe. La lourde main brune, d’un geste impérieux, trancha l’air, et les scribes se levèrent ensemble de leurs cubes, s’esquivèrent par l’arcade que fermait une quadruple portière de cuir écarlate. Seul le sourd-muet resta, qui ne comprenait que les signes et qui veillait, la main au cimeterre, sur la personne impériale, durant les colloques secrets. L’Athénienne était là, craintive mais résolue, devant ce grand homme chaussé de bottines pourpres. Il la menaçait d’un doigt cuirassé de joyaux.

— On m’avait bien averti que ta connaissance, pouvait être celle des Gnostiques, et de ces sectes dangereuses qui attribuent la même valeur au Mal, au Bien, et qui ne cherchent, que par l’extase, à s’unir avec l’essence du Théos Absolu… N’interromps pas Ma Souveraineté quand elle s’exprime devant toi que j’ai tirée des ruines de ton Athènes poudreuse pour t’approcher de Nous… Qu’est-ce que ta sagesse si elle nuit à l’empire ? Qu’est-ce que ta vertu si elle ne s’appuie point sur le dogme de l’empire pour se donner en exemple à mes sujets d’Europe et d’Asie, aux barbares d’Occident ?

Irène sentit de nouveau la colère se rebiffer en elle, contracter son cœur. Elle sut qu’elle pâlissait. Ce vieux soldat osseux et crédule la mâtait en grommelant. Il demeurait assis en large. À chaque phrase, il frappait l’un contre l’autre ses poings velus. Les anneaux d’or s’entrechoquaient avec les pierres étran-