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IRÈNE ET LES EUNUQUES

du Iesous se commette jusqu’à servir les intérêts de ceux qui pourraient aplanir les voies au démon ?

Irène se flatta de répliquer :

— D’une part les dieux de lumière sont en équilibre avec les forces de l’ombre. Ils n’ont rien à craindre d’elles. De même les deux plateaux de la balance, s’ils supportent des poids identiques, ne peuvent s’élever à des niveaux différents. D’autre part, le Constructeur dont nous ne pouvons rien dire, sinon qu’il s’affirme et se nie à la fois pour Être, l’Absolu Théos sur qui se fonde l’univers, le Théos vit parce que la lumière et l’ombre demeurent en équilibre constant… Or supposer que celle-ci peut prévaloir sur celle-là, c’est nier le Théos même, son existence inconnaissable et certaine… À mon avis, le moine Théophraste a gagné trois mille sous d’or parce que la sottise d’Astolfe le Lombard, de Pépin le Franc et d’Étienne le Pape était profitable à ce filou sagace, qui doit user du langage mystique. Voilà ce que je déduis, Œil du Théos, et aussi que tu m’as conté cette histoire pour éprouver mon esprit, pour apprendre si je n’étais pas telle que ces Syriens qui, debout sur leurs chameaux noirs, vendent aux flâneurs des baumes miraculeux et des panacées, après avoir étourdi chacun par des discours tantôt retentissants, tantôt melliflus.

Ainsi parlait Irène ; et elle souriait au vétéran chenu dont les petits yeux noirs, dans les poches des paupières molles, s’effaraient. Il lui lâcha les mains. Il poussa tout à coup un bruyant éclat de rire qui mon-