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I. 30 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE ET EMPIRISME LOGIQUE

tions mathématiques s’opèrent par la raison pure, et si la science les accepte comme méthode, cela signifie le triomphe absolu d’une méthode qui cherche les lois de la nature dans la raison humaine. C’est cette divergence dans les méthodes scientifiques que nous retrouvons dans les théories des philosophes. D’un côté les empiristes maintiennent la prééminence absolue de l’expérience ; de Bacon, jusqu’aux matérialistes français, en passant par Locke et Hume, on a soutenu l’opinion que toutes nos idées dérivent de l’expérience et y trouvent seulement la confirmation de leur vérité ou de leur fausseté. De l’autre côté, le rationalisme repose sur le fait que la méthode mathématique tire de la raison des résultats valables pour l’expérience ; et de Descartes jusqu’à Kant, en passant par Leibniz il a cherché à justifier ce rendement si étrange et si abondant de la raison.

Il faut envisager cette bifurcation nécessaire des systèmes philosophiques, issue de la critique des sciences, pour comprendre le concept qui joue le plus grand rôle dans toutes ces discussions et qui englobe lui-même toutes les difficultés d’une théorie de la science empirique et mathématique : c’est le concept de l’a priori. C’est ce mot qui exprime les prétentions de la raison de prescrire des règles à l’expérience, et c’est ce mot qui a été le plus attaqué de la part des empiristes. Ce combat, embrouillé au commencement par des questions secondaires, s’est éclairci beaucoup lorsqu’on a introduit une distinction importante celle de l’a priori analytique et synthétique. Cette distinction, formulée dans toute sa portée chez Kant, mais pratiquée déjà avant lui, surtout chez Hume, ramène la différence des deux partis à un problème clair et accessible, car elle sépare la partie non-problématique de l’a priori de cette partie énigmatique qui renferme les problèmes épistémologiques, l’a priori analytique n’ajoute pas de contenu nouveau, et si par exemple, l’inférence du syllogisme peut être appelé a priori, c’est parce que la conclusion ne fait que répéter ce qui avait été déjà exprimé dans les prémisses. En nous servant des termes de Russell et Wittgenstein, nous disons qu’il s’agit ici de tautologies ; et la tautologie est une relation qui reste vraie si les valeurs de vérité des propositions élémentaires changent arbitrairement, c’est-à-dire qu’elle est indépendante de la vérité des prémisses. La valabilité de l’a priori analytique est donc acquise au prix de la renonciation à l’acquisition de connaissances nouvelles.

Mais c’est justement ce caractère qui a déterminé les philosophes rationalistes à ne pas se contenter de l’a priori analytique pour l’usage des sciences. Car la science, en partant des faits donnés, veut acquérir des connaissances nouvelles, non encore enfermées dans les obser-