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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

évêque ; les panonceaux d’un quatrième, qui fut notaire ; le blason brodé d’une cousine qui fut princesse ; et le miroir d’une autre, qui fut… comédienne… En un mot, mes chères cousines, en un mot, le grenier ? C’est le décrochez-moi ça des générations précédentes…

— Oh ! cette expression !

Telcide et ses sœurs ont écouté ce long discours avec ahurissement. Devant leurs yeux, Arlette a fait briller un tel kaléidoscope qu’elles sont à la fois surprises, ravies et choquées. Elles saluaient au passage des noms qu’elles reconnaissaient pour les avoir appris jadis. Elles auraient volontiers applaudi. Seulement le décrochez-moi ça les a gênées dans leur respect pour le passé.

— Hélas ! j’ai été bien déçue, poursuit Arlette. Votre grenier, mes chères cousines, est si soigné que j’y ai cherché vainement, pendant une demi-heure, une toile d’araignée. Les caisses y sont alignées sans un grain de poussière. Décidément tout se perd… même les greniers…

— Apprenez, mon enfant, dit Telcide, qu’il est très peu hygiénique de conserver chez soi de vieilles choses.

— Oui… C’est l’hygiène, qui tue en France le goût des antiquités…

— Vous ne nous avez toujours pas expliqué comment vous avez passé deux heures sous ces toits.

— J’ai dormi sur cette pile de tapis, devant les flèches et les tours de la cathédrale. J’ai rêvé que j’étais un de ces pigeons, qui font connaissance dans le manteau de saint Martin, font des cabrioles dans le giron de saint Jean Chrysostôme, et font leur nid dans la couronne de saint Louis…

— C’est bien. Il est sept heures. Descendons souper.

Ni Telcide, ni Rosalie, ni Jeanne, ni Marie ne se doutent alors qu’Arlette emporte dans son corsage la suite du manuscrit enfin découverte.