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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

trouve-t-on pas dans les greniers ?… Des robes, datant d’un siècle ou deux ; des crinolines fripées, mais encore solides sur forme ; des chapeaux gigantesques à la Maupin ; des chapeaux minuscules à la Récamier ; des bottes avec éperons d’argent ; des cadres dorés avec de jolis nœuds en plein bois ; des peintures à l’huile, des portraits d’ancêtres si drôlement crevés dans le front, dans la bouche ou pan ! dans l’œil ; des pastels, dont la poudre est tombée comme celle des marquisettes qu’ils ont représentées ; des boites d’ivoire, contenant peut-être une mouche oubliée, qui n’aura pas eu le temps d’être assassine ; des éventails, dont les branches cassées l’ont sans doute été sur les doigts ou sur les lèvres d’un galant trop impatient ; des perruques de cour ou de comédie, ce qui est à peu près la même chose, perruques à marteau, perruques moyen âge, perruques de satyres décorées de petites cornes d’or ; des bijoux sans valeur, mais quelquefois historiques ; le miroir de Psyché ; l’épingle de Cléopâtre, le peigne de Théodora ; le bracelet de Messaline ; des vases, qui ont tour à tour connu la cheminée du salon, la salle à manger, la chambre d’amis et la boîte de débarras ; des pipes avec la tête de Louis-Philippe ; des tirelires avec celle de M. Thiers ; des images qu’on acheta un sou dans la rue et qu’on cherche maintenant pour le carnaval de Carnavalet ; des livres enluminés ; des premières éditions de Voltaire…

— Voltaire chez nous ! grand Dieu !

— On le trouvait chez nos grand’mères les mieux pensantes ! On le trouvait même surtout là… Et je n’ai pas fini : des commodes ventrues ou plates ; des fauteuils, dont le crin a pris le dessus ; des bonbonnières cerclées d’or, dont l’une a peut-être été présentée par M. de Talleyrand aux premiers diplomates du monde ; des boîtes en acajou foncé de Mme Tallien ou en bois de rose de Mme Dubarry ; des tabatières de Sieyès ; un bouton de la capote de Bonaparte ; des restes d’une féerie de salon, la toque du Prince Charmant, la houlette de la bergère, l’habit de Cadet Roussel, la batte d’Arlequin, la culotte du roi Dagobert ; et enfin le sabre d’un grand-père, qui fut maréchal ; la lorgnette d’un autre, qui fut amiral ; la crosse d’un troisième qui fut