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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

sciemment par qui celui-ci sera plus tard aimé. Ils approprient en conséquence son nom aux lèvres de femme, qui le prononceront.

— C’est paradoxal, mais ingénieux !

— Eugène ! évidemment il y a des femmes charmantes, qui peuvent se dire ce nom-là avec un accent d’amour, des femmes charmantes et même jolies, mais des femmes... des femmes... enfin quoi ? pas vous !

— Vous êtes drôle...

— La preuve, tenez, la voici : Je vous défie... vous m’entendez bien ?... Je vous défie de dire devant moi, sur un ton passionné, en me regardant : « Je vous adore, Eugène. » Vous poufferez de rire...

— Non.

— Essayez.

Arlette relève le défi :

— Je vous adore, Eugène... s’écrie-t-elle avec emphase...

Mais au lieu de pouffer de rire, elle éclate en sanglots.

Se penchant vers elle pour la consoler, au risque de compromettre la stabilité de leur installation, Jacques lui murmure alors :

— Ma petite Arlette, vous voyez qu’il ne faudra plus jamais répéter cette vilaine phrase. Elle vous fait pleurer. Tandis qu’il en est de si douces que je vous apprendrai ! J’en sais d’harmonieuses, que votre cœur écoutera comme des musiques. J’en sais d’odorantes, qui vous griseront, comme des tubéreuses. J’en sais d’éternelles, que nous répéterons en litanies d’amour... Ayez confiance en moi... Ne protestez pas...

— C’est que je suis très hésitante...

— Pourquoi ?

— Parce que je me demande si vos lèvres sont bien celles que mes parents ont imaginées pour prononcer mon nom lorsqu’ils m’ont baptisée Arlette...

— Il vous est très facile de vous en rendre compte... Écoutez : Je vous adore, Arlette... Je ne pense qu’à vous... Je vous aime !... Et ce disant, je n’éclate pas de rire... Je ne pleure pas... Je souris au bonheur de ma vie... de notre vie... Vous ne répondez plus rien ?... Ne sommes-nous pas d’accord ? Arlette, je suis anxieux...