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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

Au détour d’une rue, devant un mandoliniste aveugle et un guitariste boiteux, Mimi Pinson chante. Sa romance jolie est sentimentale. En son cœur fleurit la fleur bleue. Et sa chemisette a des faveurs roses qu’on la supplie d’accorder.

Qu’elle les accorde ou qu’elle les refuse, elle éclate de rire...

Boum ! Midi « tonne » au canon du Palais-Royal ! Sur les bancs de pierre des Tuileries, les dînettes s’organisent. Quatre sous de frites ! deux sous de gâteaux de la veille ! Un verre d’eau claire aux « Fontaines-Palace » ! Le charmeur d’oiseaux fait : pst ! pst ! aux moineaux, qui picorent. Et des rires fusent ! « Les voyageurs pour Sceaux-Robinson, en voiture ! » Dimanche ! une route poudreuse, des amazones improvisées... Des guinguettes, des bastringues... Ici l’on danse !... Des arbres truqués, où les plats s’envolent au grincement des poulies... Ici l’on rit... Ah ! comme Arlette éprouve la nostalgie du rire !... Toutes les midinettes se sont tournées vers elle.

— Viens avec nous, tu riras aussi...

Dans un grenier, qu’on est bien à vingt ans !

La Lisette de Béranger au loin répond à Jenny l’ouvrière. Louise apprend que :

Tout être a le droit d’être libre.

Mürger, Musset et Charpentier lui sourient. Elle n’a qu’un cri devant leurs héroïnes :

— Mes sœurs !

Jacques est si loin de sa pensée ! Elle a perdu tout espoir d’être aimée.

Avec une hâte fiévreuse, elle jette pêle-mêle, dans son sac de voyage, ses souvenirs les plus précieux. Elle ne restera pas une minute de plus dans cette maison si étroite qu’aucun rêve n’y peut déployer ses ailes. Son corsage remis, son manteau sur ses épaules et son chapeau sur la tête, elle entr’ouvre la porte de sa chambre.

Comme l’escalier est noir !

Elle avance à tâtons en retenant même sa respira¬