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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

puisque vous m’y forcez, il faut bien que je précise. Vous n’avez pas oublié dans quelles circonstances votre père a disparu. Vous n’avez, pour toute fortune, qu’un passé très lourd. L’éducation déplorable que vous avez reçue a développé en vous des goûts d’indépendance et des habitudes dont bien des maris ne s’accommoderaient pas. Vous vous croyez encore millionnaire ! Vous faites la difficile. De quel droit ?

— Je vous répète, ma cousine...

— Si nous ne vous avions pas recueillie, que seriez-vous devenue ? où auriez-vous roulé ? Dieu seul le sait. Loin de moi la pensée de vous reprocher l’élan de charité que nous avons eu pour vous.

— C’est encore heureux...

— Mais en échange de ce que j’ai fait, il me semble que vous pourriez m’accorder votre confiance.

— Vous l’avez, mais pas au point de m’imposer un Eugène Duthoit.

— Je vous imposerai qui je voudrai... D’un geste tranchant, Telcide, qui s’est levée, indique que sa volonté sera formelle :

— Du fait que vous acceptiez mon hospitalité, vous vous soumettiez à mon autorité. Vous parlez comme une folle lorsque vous prétendez ne pas vouloir vous marier. Si, au lieu d’un simple professeur, je vous avais présenté un Jacques de Fleurville, vous eussiez bondi de joie.

— Arrêtez, je ne vous permets pas...

— Vous lui en avez adressé des sourires, et fait des boniments ! Vous croyez peut-être que je n’ai pas remarqué votre manège... Ah ! vous saviez, pour lui, trouver des gentillesses plus que pour nous... Vous espériez sans doute qu’il vous épouserait... Mais, malheureuse, pendant que vous tentiez de l’enjôler, il suffisait de le regarder pour voir qu’il se moquait de vous...

— Ce n’est pas vrai ! ce n’est pas vrai !

— Oseriez-vous me le soutenir en face ?... La lune s’est voilée. La lampe jette de grandes ombres tragiques dans la chambre. Telcide a pris dans ses mains la tête de la jeune fille. Penchant son visage sur celui d’Arlette, elle répète, d’une voix sifflante :