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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Hein ? quoi ? Je ne trouve pas... M. Hyacinthe, qui est toujours distrait, sursaute. Il faut que Marie lui explique tout bas qu’il s’agit d’un plat...

— J’ai une tête de veau avec une sauce vinaigrette et du beurre noir, un bon gigot aux haricots, du jambon avec de la salade et le dessert...

— C’est trop, c’est beaucoup trop !... N’est-ce pas, cher monsieur ?

Le prêtre s’est tourné vers Ulysse pour le prendre à témoin que ce menu est trop abondant. Le professeur répond :

— Oh ! moi, ça m’est égal !...

Il est très ennuyé, parce que ses bottines neuves commencent à le faire souffrir. Les hommes comme M. Hyacinthe ont toujours des cors aux pieds. Heureusement Eugène Duthoit a un mot à dire :

— Nous autres, professeurs, sommes de l’avis de Molière. On doit manger pour vivre et non vivre pour manger ! N’est-ce pas, mon oncle ?

— Oui, Eugène !

— On ne saurait trop suivre les conseils des grands auteurs. M. Duthoit, qui vit dans le commerce de ces derniers, peut nous en parler sérieusement. Ce disant, Telcide regarde Arlette.

— Encore serait-il nécessaire, insinue cette dernière, que les grands auteurs fussent d’accord. Je me souviens d’un certain Gargantua...

— Oh ! oh ! vous connaissez Rabelais ?

— Évidemment ! On n’a pas le droit de ne pas connaître Rabelais !

— Eh bien ! moi, prononce avec désolation Rosalie, je ne le connais pas. A l’âge de seize ans, j’ai eu une fièvre scarlatine. Mes études ont été interrompues. Je ne les ai jamais reprises. En histoire, j’en suis toujours restée à 1789. Je ne sais pas s’il s’est passé quelque chose depuis lors. Quand on est sortie de pension, n’est-ce pas ? on n’a plus le temps d’ouvrir un livre. Votre Rabelais a dû vivre depuis 1789...

— Non, ma cousine... Mais ça ne fait rien...

— Ah !...

L’attention générale se porte alors sur Ernestine,