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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Qu’y a-t-il ? demande Marie. — Votre « galant » vous a envoyé un bouquet de fleurs, qui vaut au moins une pièce de quarante francs... Le cœur battant, Marie pénètre dans le salon. La corbeille de M. Hyacinthe ressemble à toutes celles qui ont été offertes depuis vingt ans et qui le seront pendant vingt ans encore, par les jeunes gens de la ville à leurs fiancées. Jeanne remarque en furetant que chaque branche plonge dans un tube en verre rempli d’eau : — C’est une corbeille de soixante francs ? estime Rosalie. — Soixante-cinq ! rectifie Telcide. — Croyez-vous ? — Oui... J’ai vu celle que Vincent Caron a adressée à Léontine Bourdeux. Il l’avait payée cinquante-cinq francs. Elle était beaucoup moins avantageuse que celle-ci... Marie ne cesse pas de regarder la carte lithographiée, qui est épinglée au large ruban de moire sous un flot de tulle. De voir ce nom : « M. Ulysse Hyacinthe, professeur au collège, » une langueur douce s’empare d’elle. Elle l’avoue à Arlette : — Chaque fois que je pense à lui, il me semble qu’un ange me prend par la main... Bienheureuse Marie ! On installe la corbeille sur la tablette de marbre du guéridon qui est fixé entre les deux fenêtres... — Mam’zelle Telcide, on apporte la pièce montée, crie soudain Ernestine, plus écervelée que jamais. Pour un peu on croirait que c’est elle la fiancée, tant elle s’agite ! De temps à autre, Rosalie va dans la cuisine. La confection des quenelles par Mélanie l’intéresse beaucoup. D’autant plus que cette cuisinière ne manque pas de raconter des potins sur les diverses familles qui l’emploient. Marie ne peut rester cinq minutes sans aller admirer sa corbeille. Elle prend un plaisir extrême à entendre le craquement de ses bottines neuves. Pour elle, ce bruit est le critérium de l’élégance.