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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

le conseiller Bigoudois-Marsan, de la cour de Douai...

— Est-ce que nous nous servirons des belles tasses à café ? demande Jeanne.

— Certainement. Il faut que tout soit en rapport... Ces fameuses tasses, de vieux Japon, sont conservées dans une caisse où leurs cigognes hautaines dorment, parmi les copeaux, où leurs soleils rutilants s’abîment dans la nuit, où leurs montagnes mauves s’alanguissent au bord des lacs transparents, en des papiers de soie :

— Cette collection a été rapportée d’Orient par notre cousin Léon Bigoudois, qui était missionnaire et qui m’a instituée sa légataire universelle...

— Et qu’est-ce que c’est que cette boîte carrée en marqueterie avec des incrustations de nacre et d’acajou ?

— Pressez sur le bouton de bronze.

— Oh ! c’est une cave à liqueurs...

— Oui... Quand on presse sur le bouton, les panneaux se tournent d’eux-mêmes, ayant, sur leurs parois, les verres attachés...

— Et au milieu des carafons carrés et ciselés avec de gros bouchons aplatis.

— Cette cave à liqueurs appartint au cardinal Davernis, qui fut notre grand-oncle.

— Quelle liqueur précieuse mettrez-vous dans ces bouteilles ? Il faudra au moins, de l’hydromel.

— Non... Du cassis, de l’angélique, de la fourdraine et des cerises à l’eau-de-vie... Bref, la préparation de ce dîner est somptueuse. Telcide a retenu la première cuisinière de la ville, Mélanie, « celle qu’on paie trois francs pour la journée, mais qui prépare elle-même ses quenelles ». Jeanne s’est chargée de plier les serviettes :

— En bateau ?

— Non. En bonnet d’évêque M. le Doyen, sera des nôtres.

Arlette a promis de décorer la table avec des fleurs. Aussi, le lendemain, dès l’aube, est-elle dans le jardin, en peignoir.

La nuit a été fraîche, un peu humide. Le ciel est comme lavé. Son azur pâle a des miroitements roses.