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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Oui. Maman l’avait loué jadis pour que, chaque jeudi et chaque dimanche, je m’y délasse de mes travaux d’esprit. Il paraît que je m’étiolais…

— Vous vous étioliez ?

— Oui… Le plein air m’était utile. Je bêchais la terre, J’étendais du fumier, je jetais des semences, j’échenillais les arbres, je cueillais les fruits, je cassais du bois, je faisais des petites bûches. Je ne manquais pas d’adresse. Figurez-vous que j’ai construit moi-même une girouette…

— Une girouette ! vous ?…

Marie joint les mains en signe d’admiration.

— Oui… et une girouette qui tourne… car il y a beaucoup de girouettes qui ne tournent pas. La mienne représentait un aiguiseur de couteaux. On voyait sa jambe, qui remuait en même temps que sa meule.

— Sa jambe ? sa petite jambe ?

— Vous vous doutez que ma première pensée, lorsque je suis revenu ici, a été de voir si ce jardin était encore libre. J’y ai vécu des heures si douces avec un pantalon de toile bleue et un chapeau de paille ! Je n’avais qu’un très vague espoir. Quelle n’a pas été ma joie lorsque, sur la haie touffue, j’ai aperçu la pancarte : À louer. Rien n’était changé. La girouette était toujours au-dessus de la porte. Seulement le vent avait emporté la jambe de l’aiguiseur…

— Oh ! la petite jambe ! répète Marie, qui n’a aucun sens du ridicule…

— Tant pis ! Je me suis précipité chez le propriétaire et j’ai signé un nouveau bail… Si j’osais, demain jeudi, je vous inviterais, ainsi que vos sœurs, à visiter mon jardin.

Comme Marie ne répond pas assez vite, Arlette s’empresse :

— Il faut oser, monsieur Hyacinthe… Mes cousines seront ravies de faire cette belle excursion à deux cents mètres de l’octroi…

— Nous partirons de bonne heure et nous goûterons là-bas… Il y aura une crémaillère…

— Une crémaillère ?

— Oui, oui… Mais je ne vous en dis pas davantage… Vous aurez des surprises…