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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Oh ! Telcide !

— Evidemment, en vous parlant ainsi, je vous étonne… Mais cette constatation, vous la feriez demain vous-même. Il ne me déplaît pas que vous sachiez que je l’ai faite avant vous ! Vieilles filles ! Nous sommes des vieilles filles ! On nous désigne ainsi quand nous passons. On fait presque de ce nom une injure qu’on nous jette à la face. On raille nos défauts. On critique notre caractère. On reproche notre égoïsme, nos scrupules, nos préjugés. Nous ne sommes pas élégantes, nous sommes laides, nous demeurerons isolées. Comment nous jugerait-on si nous vivions autrement ? Nous voyez-vous, en toilettes tapageuses, courant les fêtes ? Vieilles filles ? c’est certain que nous le sommes, vieilles filles ! mais pourquoi le sommes-nous, est-ce qu’on s’en inquiète ? Bien entendu, il en est qui, à vingt ans, trop ambitieuses ont décidé de n’épouser que des princes ou des marquis ! Ces princes et ces marquis ne se sont pas présentés. C’est bien fait ! À quarante ans, elles auraient accepté un épicier. Oui, mais trop tard !… Il en est qui, à dix-huit ans, affirmaient leur désir d’avoir pour le moins un colonel ou un général. À trente-cinq ans, elles auraient agréé un adjudant. Oui, mais trop tard !… Il en est qui à dix-neuf ans ne voulaient qu’un millionnaire. À trente-neuf ans elles auraient pris un fonctionnaire à dix-huit cent francs. Oui, mais trop tard !… Toutes celles-là ne sont pas très sympathiques… Mais il y en a d’autres… Il y a les femmes d’un seul amour, qui ont attendu d’un homme, qui ne leur a pas donné, l’aveu qu’une autre a reçu… Il y a les femmes de devoir, qui ont consacré leur jeunesse à des parents malades, à des enfants abandonnés, et qui se sont trouvées trop âgées pour en profiter, lorsque la liberté leur a été rendue… Il y a des femmes pauvres, dont le seul crime était de n’avoir pas de dot… Il y a… il y en a des quantités d’autres… mais surtout il y le troupeau lamentable des femmes qui n’ont jamais été jolies. Peu importe qu’elles aient eu la bonté, l’éducation, l’intelligence, tout ce que la volonté personnelle peut acquérir ou développer. Les hommes sont passés, les dédaignant et ne disant : « Je vous aime » qu’aux créatures quelquefois sèches de cœur,