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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Ah ! tant mieux !… Vous n’imaginez pas tout ce que j’ai à vous apprendre… C’est effrayant !…

— À ce point ?

— Oui… Avez-vous repensé à ce que je vous ai dit hier ?

— À quoi ?

— À la rupture de mes fiançailles…

— Je me souviens, en effet, que vous me l’avez annoncée… Que s’est-il donc passé ? Qu’y a-t-il eu ?

— Il y a eu « vous » !

— Moi ?

— Parfaitement… vous !… Il faut que je vous explique… Mon père tenait depuis longtemps à ce que je me marie… Dix fois il me l’avait demandé… Dix fois j’avais refusé… La onzième, pour ne pas le chagriner, je lui ai répondu : « Après tout, on peut voir. Je n’ai aucun parti pris contre le mariage. » Huit jours après il m’a présenté la Clotilde en question. Nos familles étaient assorties, nos âges se convenaient ; nos châteaux étaient voisins. Mes tantes et mes oncles m’ont serré sur leur poitrine en me répétant : « Tu es notre héritier. Tu vas faire là un mariage parfait… » Bref, j’ai été faible, j’ai cédé avec cette idée : « Bah ! autant celle-là qu’une autre ! »

— Et alors ?

— Je ne vous avais pas prévue !… Tant que je ne vous connaissais pas, je pouvais épouser Clotilde. Elle n’était ni plus laide, ni moins intelligente que les autres petites oies blanches et les autres petites dindes que l’on me proposait. Mais dès que je vous ai connue, ce n’était plus possible. Clotilde faisait-elle un geste, lançait-elle un mot, je me représentais aussitôt le geste que vous auriez eu dans la même circonstance, le mot que vous auriez trouvé. Certes, elle restait celle dont la famille était assortie à la mienne, dont l’âge convenait au mien, dont le château était proche du nôtre. Mais je devais lui découvrir, à toute minute, un nouveau défaut. Elle ne défie malheureusement pas la concurrence… Elle est autoritaire, dédaigneuse… Tandis que vous…

— Il faut croire pourtant qu’elle vous aimait, cette jeune fille.