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CHAPITRE X


C’est demain la Fête-Dieu. En cet honneur, chaque année, une grande procession traverse les rues de la ville.

De sa fenêtre, Arlette en observe les préparatifs. L’enclos fait sa toilette. Sur la chaussée, des ouvriers enlèvent tous les dix mètres un des pavés pointus en bordure du trottoir et enfoncent dans le trou un mât où une oriflamme se tordra sur son trapèze.

Des tapissiers déroulent, le long des maisons, des toiles blanches et rouges. Les bourgeois fixent à leurs balcons des cartouches colorés d’où jaillissent des drapeaux aux lances de carton-pâte. Les fenêtres des rez-de-chaussée se transforment en reposoirs, avec des candélabres, des fleurs, des plantes vertes.

Les ménagères, excitées, lavent le seuil de leur porte, le trottoir et la façade. Les blanchisseuses circulent, très affairées, les bras chargés de montagnes de mousseline blanche.

Et des hommes, des femmes, des enfants même passent en poussant devant eux des voilures pleines de roseaux, qu’ils annoncent en criant :

— Parquet !… parquet !… quatre sous la botte !

Mais leurs clients sont peu nombreux. On préfère généralement attendre le lendemain pour acheter la marchandise cueillie la nuit. Les feuilles en sont plus fraîches et plus brillantes au passage de la procession.

Les demoiselles Davernis participent d’autant plus au mouvement unanime qu’elles ont une réputation à soutenir. Leur maison est toujours une des mieux décorées. Rien qu’aux deux fenêtres de leur salon, cent bougies seront allumées, autour de deux reli-