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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

demoiselles se taisent, comme, dans les cirques, la musique au moment des exercices difficiles.

Un ronflement de sirène fait sursauter les voyageuses. Arlette, d’un signe de la main, dit au revoir à Ernestine. Telcide, bien calée dans le fond, ne bouge plus. L’automobile est en route.

Derrière leur fenêtre, Félicité et Caroline Lerouge ont assisté à ce départ, mais elles ont évité de se montrer pour que leurs amies n’aient pas la joie d’avoir été vues :

— Les Davernis ont toujours été des esbrouffeuses… déclare Caroline…

La voiture suit d’abord avec précaution les vieilles rues sinueuses. Gracieusement elle exécute des virages. Juste au moment où Jeanne fait remarquer qu’on ne sent pas les pavés et qu’on n’éprouve aucune secousse, un caniveau précipite ces demoiselles les unes sur les autres. Elles poussent des cris perçants. Mais on arrive bientôt sur la grand-route.

— Que faites-vous ? demande Telcide à Arlette, qui a saisi le cornet acoustique et qui l’approche de ses lèvres. Vous allez nous faire dérailler…

— Ne craignez rien…

Obéissant à l’ordre qui lui a été donné, le chauffeur s’arrête. Arlette ouvre la portière et descend :

— Pourquoi nous quittez-vous ?

— Vous êtes trop serrées.

— Mais non.

— Je monte devant…

Mais c’est non seulement sur le siège qu’elle s’installe, c’est au volant…

— Petite folle, vous voulez nous tuer !

L’automobile filant soudain, les protestations de Telcide se perdent dans la vitesse. Rosalie, qui n’a aucune conscience du temps, affirme à ses sœurs qu’il leur est encore loisible de renoncer à cette excursion et de rester chez elles. Mais Marie ferme les yeux.

Jeanne est la seule qui prenne quelque plaisir à regarder le défilé des arbres de chaque côté de la route. Elle admire Arlette qu’en elle-même elle compare à une amazone. Comme elle aimerait avoir sa souplesse et son sang-froid !