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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Passez votre chemin, galopin…

Comme elle récidive, il se décide à regarder. Et son étonnement est comique :

— Ah ! c’est trop fort !… comment ?… vous ?

— Oui… J’ai à vous parler…

Remontant ses lunettes sur son front, et caressant ses favoris jaunes, il n’a pas un instant la pensée d’inviter la jeune fille à entrer dans la classe. Ils sont à cinquante centimètres l’un de l’autre. Ils peuvent très bien bavarder ainsi. D’ailleurs il croit savoir ce dont il s’agit :

— Vous venez à propos de la marmite que j’ai gagnée hier ? Ma bonne m’a dit qu’on a oublié d’y joindre la louche…

— Non, non… la question est plus sérieuse…

— Ah !… Vous permettrez que, tout en vous écoutant, je continue la correction de ces devoirs ?

— Mais certainement.

— Je fais très facilement deux choses en même temps…

— J’espère, mon cher monsieur, que la séance d’hier ne vous a pas trop ennuyé…

— Non… Pas trop.

— Ma cousine Marie a emporté de votre voisinage le meilleur souvenir. Votre pelote.

— Ma pelote ?… Quelle pelote ?…

— En tapisserie ! lui plaît infiniment… C’est elle qui me l’a dit…

— Qu’elle était en tapisserie ?

— Non… Qu’elle lui plaît beaucoup !

— Ah ! tant mieux !…

Avec son crayon bleu, dans le coin gauche d’une copie, il inscrit en chiffres gras « 4 sur 10 » et longuement il perfectionne ses chiffres.

— Ma cousine Marie a été d’autant plus sensible à ce cadeau qu’elle y a vu tout un symbole…

— Vraiment ?

— Oui… une pelote, ce n’est rien, mais ça représente l’ordre dans un ménage et par suite le bonheur d’un foyer. Sans une pelote, les épingles traînent sur les tapis ! on se pique les pieds ; dans les draps ! on se pique les jambes ; sur les tables ! on se pique les