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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

est enroué à force de crier. Peu à peu l’enthousiasme baisse. Il faut, pour qu’il rebondisse, qu’on apporte sur la table les poulets, les canards, les lapins et le petit cochon. Alors c’est comme un feu de paille qui, sur le point de s’éteindre, reçoit un coup de vent. Aussitôt les étincelles jaillissent et les flammes claquent comme des oriflammes. Devant tous ces animaux, ce n’est plus de la joie, c’est du délire.

Mlle Clémentine Chotard, qui a une veine insolente, gagne une volaille, tuée, prête à rôtir. Elle la palpe, la caresse, la sent devant et derrière, et l’étalé sur ses genoux comme un enfant dont on fait la toilette.

Le cochon de lait échoit à un chanoine, qui, sur-le-champ, au milieu des applaudissements, en fait don aux orphelines.

Telcide est de plus en plus vexée. Machinalement elle relit, pour la centième fois, les numéros des billets qu’elle a déployés en éventail devant elle. Rosalie, au moins, elle ! a gagné un porte-allumettes en paille, qui doit prendre feu très facilement. Jeanne a une pipe et Marie une glace de poche, qui malheureusement est fendue.

— « N° 17, M. Ulysse Hyacinthe ! »

Aux innocents, les mains pleines ! M. Hyacinthe gagne encore. Cette fois c’est un petit objet, dont il ne distingue pas nettement l’usage. Marie le renseigne :

— C’est une pelote à épingles. Elle est en très jolie tapisserie.

— Merci de votre explication, répond-il. Un homme ne connaît rien aux futilités.

Tout bas Arlette conseille au professeur d’offrir ce lot à sa voisine. Elle sait que sa cousine raffole de ce genre d’ouvrages. Mais M. Hyacinthe n’ose pas. Il dit à Arlette :

— Tenez ! donnez-le-lui…

— Non, non. Elle sera bien plus contente si elle tient cela directement de vous…

— Ah ?

— Je suis sûre qu’elle gardera cette pelote toute sa vie en souvenir.

— Dans ce cas…