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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

Elle s’insinue entre les chaises sans se soucier des pieds qu’elle écrase et déclare tout haut :

— J’ai aperçu M. le premier vicaire. Je veux qu’il sache que je suis là. Je vais me mettre sur son passage. Il ne me saluera point. Vous aurez la preuve publique de son impolitesse…

C’est le cœur palpitant que les vieilles demoiselles attendent ce qui va se produire. M. le premier vicaire s’avance. Il passe devant Mlle Chotard et la salue très respectueusement avant de s’asseoir près de M. le Grand Doyen :

— Vous l’avez vu ? vous l’avez vu ? dit Mlle Chotard, en écrasant de nouveaux pieds pour regagner sa chaise, il m’a saluée pour se moquer de moi. Je n’ai que faire de ses saluts. Il est vexé que je ne sois plus sa pénitente…

Encore trois minutes… et le spectacle commence…

On sent de l’agitation et de l’énervement sur la scène. Fréquemment le rideau s’écarte et on aperçoit un œil ou une tête. Le chef d’orchestre frappe sur son pupitre pour rassembler ses musiciens. On lui hurle des coulisses : « Attendez, nous n’avons pas encore les perruques ! »

Préventivement, des spectateurs qui ont le buste court, crient : « Assis ! assis ! » Pour crier plus fort, certains d’entre eux se lèvent…

D’autres protestent contre les chapeaux trop larges et trop hauts :

— Il est de fait, murmure Caroline Lerouge, que quelques femmes se coiffent maintenant de façon ridicule. Regardez Mme de Belnard, avec ses plumes…

— On voit que c’est la femme d’un notaire. Son mari gagne un argent !…

Mais silence ! les trois coups sont frappés… L’orchestre est déchaîné… La représentation est commencée…

Et M. Hyacinthe n’est pas là !…