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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

sublime de la charité. Dans quelques semaines, une tombola sera tirée, dont le bénéfice appartiendra intégralement aux pauvres de Notre-Dame. J’ai pensé… M. le Doyen a pensé que vous tiendriez à participer, dans la mesure que vous…

— Oui… oui.

Arlette en a assez dit. M. Hyacinthe tire de la poche de son pantalon un porte-monnaie vaste, dont le cuir repoussé garde les traces dorées d’une tour Eiffel au-dessus d’une inscription : Souvenir de l’Exposition de 1900. Et il y prend une pièce de monnaie :

— Je ne sais pas le prix des billets. Donnez-m’en pour « ça ».

— « Ça », c’est deux francs !

— Je voudrais vous offrir davantage, mais je ne suis pas pas riche.

— Tiens ! il dit la même chose que la domestique des Fleurville ! pense Arlette. S’il se doutait pourtant que toute cette comédie est organisée pour son bonheur ! Mais il n’en a pas la moindre idée. Sa souscription offerte, il n’attend plus que le départ de la jeune fille. Celle-ci, qui est loin de vouloir s’en aller, inscrit sur « son carnet :

— M. Hyacinthe !… Quel prénom, s’il vous plaît ?

— Ulysse…

— Ah !… Est-ce que vous connaissez Ithaque ?

Cette question le surprend si fort qu’il en roule des yeux. Mais c’est là son domaine de professeur, il a saisi l’allusion. Il daigne en sourire tout en croisant ses mains sur le cordonnet noir, qui lui sert de chaîne de montre et qui balafre son abdomen. Dans ce geste, Arlette s’aperçoit qu’il a le bout des doigts jaunis par le tabac :

— Non… Je ne suis pas allé en Grèce. J’ai pourtant beaucoup trop circulé…

— Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage !…

— Vous connaissez les classiques…

— Oui… J’ai énormément de relations…

— C’est parfait !… Vous avez vos brevets ?

— J’en ai un : mon brevet de chauffeur…

Comme Arlette lance ses boutades avec un sérieux imperturbable, M. Hyacinthe est un peu déconcerté.