Page:Acremant - Ces Dames aux chapeaux vert, 1922.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée
92
CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— M. le Grand Doyen ?

Visiblement il s’étonne qu’un prêtre aussi considérable s’occupe de sa modeste personnalité laïque.

— Oui… Je viens vous offrir des billets…

— De chemin de fer ?… merci… Je ne voyage plus… Je n’ai que trop voyagé…

Le pauvre homme ! il est hanté par le souvenir de ses courses à travers la France, à la poursuite d’un repos et d’une sérénité à jamais perdus !

— Non… Des billets pour une tombola, organisée au bénéfice des pauvres…

— Ah ! Bon !… Entrez…

L’avarice n’est toujours pas son principal défaut ! songe Arlette.

Il l’amène dans une salle à manger, carrée, presque sans meubles, mais claire, propre, avec une tapisserie crème aux fleurs roses. Tout en traversant le couloir, il abaisse ses manches et ferme son gilet. Comme une odeur fraîche de peinture et d’essence la saisit à la gorge, Arlette tousse. M. Hyacinthe disparaît.

Il revient un moment plus tard, porteur d’un verre d’eau. Il tient dans sa main un morceau de sucre.

— Au fond, c’est un bon homme ! pense Arlette.

Doucement il met le sucre dans le verre et longuement il remue l’eau avec une cuillère de ruolz :

— Buvez… Ça vous soulagera… Elle est très fraîche… J’ai fait couler l’eau « avant ».

— Merci… Je me sens mieux…

Avait-il été vraiment inquiet ? Il prend un air satisfait.

La petite quêteuse en profite pour lui commencer son boniment sur le ton emphatique qui lui semble devoir convenir à son interlocuteur :

— Vous avez certainement remarqué, monsieur, combien le nombre des malheureux s’accroît chaque jour. Il faut, comme moi, s’être penchée sur la misère humaine pour connaître les profondeurs qu’elle peut atteindre. Je ne sais rien de plus effarant…

En signe d’acquiescement, il balance sa grosse tête comme un bouddha chinois.

— M. le Grand Doyen estime qu’il est du devoir de chacun de collaborer, selon ses ressources, à l’œuvre