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Et nous nous demandions : que veulent donc ces vagues ?
On dirait qu’elles ont quelque horrible dessein.
Tu viens de le trahir ce secret lamentable ;
Grâce à toi, nous savons à quoi nous en tenir.
Oui, le Déluge est là, terrible, inévitable ;
Ce n’est pas l’appeler que de le voir venir.



Pourtant, nous l’avoûrons, si toutes les colères
De ce vaste océan qui s’agite et qui bout
N’allaient qu’à renverser quelques tours séculaires,
Que nous nous étonnions de voir encor debout,
Monuments que le temps désagrège ou corrode,
Et qui nous inspiraient une secrète horreur,
Obstacles au progrès, missel usé, vieux code,
Où se réfugiaient l’injustice et l’erreur,
Des autels délabrés, des trônes en décombre,
Qui nous rétrécissaient à dessein l’horizon,
Et dont les débris seuls projetaient assez d’ombre
Pour retarder longtemps l’humaine floraison,
Nous aurions à la mer déjà crié : Courage !
Courage ! L’œuvre est bon que ton onde accomplit.
Mais quoi ! ne renverser qu’un môle ou qu’un barrage ?
Ce n’est pas pour si peu qu’elle sort de son lit.
Ses flots, en s’élançant par-dessus toute cime,
N’obéissent, hélas ! qu’à d’aveugles instincts.
D’ailleurs, sachez-le bien, ces enfants de l’abîme,
Pour venir de plus bas, n’en sont que plus hautains.
Rien ne satisfera leur convoitise immense.
Dire : abattez ceci, mais respectez cela,
N’amènerait en eux qu’un surcroît de démence :
On ne fait point sa part à cet Océan-là.
Ce qu’il lui faut c’est tout. Le même coup de houle
Balaîra sous les yeux de l’homme épouvanté