programme social résulte de la vie même d’une nation, et qu’avant de l’établir pour toujours nous devons produire une vie démocratique, donner le sens vrai de la vertu de liberté, qui n’est pas possible sans le sentiment exact de la tradition, de la responsabilité et du progrès. Notre programme ! mais il s’élabore tous les jours. N’est-il pas évident par exemple que le développement du mouvement syndical amènera un changement dans la législation, qui accordera une part de la puissance publique aux syndicats ? Je suis un partisan convaincu de la représentation professionnelle au Parlement. Comprenez-vous ?
« Notre action a trois phases : d’abord agir sur l’opinion publique, c’est-à-dire changer la mentalité de l’électeur ; créer des œuvres économiques ensuite ; cela fait, nous saurons parfaitement les réformes nécessaires : alors nous aborderons la politique. Dans combien de temps, vous demandez-vous ? Je l’ignore. Dans cinq ans, dans dix ans peut-être, mais je sais que nous triompherons. »
Je n’avais pas à songer à interrompre M. Marc Sangnier. Maintenant qu’il m’avait tracé l’organisation du Sillon, ses désirs et ses rêves l’emportaient par delà le trop sec exposé de son œuvre. Son ardeur, trop longtemps réprimée, éclatait enfin, jeune, émouvante, admirable, mettant dans ses yeux noirs de subits et éblouissants reflets, tandis que la main scandait d’un geste fébrile les paroles pressées qui s’échappaient.
— Oui, nous avons l’avenir pour nous. Le