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struction, recevaient ou l’enseignement des illettrés, ou l’enseignement primaire, ou l’enseignement secondaire, et tous les samedis, selon une méthode qui lui était chère, ce chef de vingt-quatre ans, petit-fils de Lachaud, les entretenait de l’armée et de la démocratie. Le régiment, cependant, offrait à cette volonté ardente un champ d’activité trop limitée et trop passive ; il lui fallait le monde, avec ses luttes, ses défaites et ses victoires. Il démissionne : c’est la France entière qu’il veut maintenant conquérir et régénérer, et il s’élance au combat avec la foi d’un apôtre ; il se nomme Marc Sangnier.

Ce nom, presque inconnu il y a un an, a surgi de l’obscurité volontaire où il se tenait, depuis qu’on jette dehors des hommes et des femmes dont le crime est de croire en Dieu, et depuis qu’on envahit à main armée les églises ; en face des proscripteurs et des assommeurs, il s’est dressé comme le symbole d’une résistance indignée et d’une croyance militante. J’ai désiré connaître celui qui le portait, et je suis venu, un matin, sonner à la grille de l’hôtel qui abrite, boulevard Raspail, Le Sillon. Des jeunes gens s’empressaient à des tâches diverses ; l’un d’eux, par un grand escalier imposant, me conduisit jusqu’au cabinet de travail, sévère et sombre, de son directeur. À peine eus-je le loisir d’admirer, encastrée dans la boiserie de la cheminée, une étude d’Annibal Carrache, et, près de la fenêtre, un buste de Léon XIII ; la porte s’ouvrit brusquement, et,