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— Eh bien ! ai-je raison ? demandait M. Capus, jouissant de son triomphe avec modestie. C’est écrit en 1858. En 1908, la critique dit tout le contraire. Dans vingt-cinq ans, si quelqu’une de nos pièces demeure, elle se servira de cette pièce, que vingt-cinq ans auparavant elle aura démolie, pour démolir la pièce d’un jeune. Il faut que vous copiiez ces lignes : chaque fois que je vois Larroumet, je les lui rappelle.

Je copiai docilement ces lignes curieuses, puis je regagnai mon fauteuil. M. Capus s’était assis sur la table, et en même temps sur J.-J. Weiss. Des minutes s’écoulèrent, silencieuses, et M. Capus murmura :

— La critique, quelle drôle de chose ! En a-t-elle gaspillé de l’encre sur la philosophie de La Veine, et sur mon scepticisme, et sur mon optimisme !

Un peu étonné, je me penchai :

— Comment ! votre optimisme, votre théorie de La Veine, vous n’y croyez pas ?

— Si j’y crois ? si j’y crois ? répondait lentement, et indécis, M. Capus. Cet optimisme, c’est un état d’esprit qui m’est personnel, voilà tout : personnel, commode et utile. La seule excuse de vivre, c’est de vivre le plus heureusement possible : ne pas se créer d’ennuis, éloigner tous les tracas, savoir attendre ! Savoir attendre surtout ! Julien Bréard n’est pas veule, il est patient, il sait attendre, c’est une manière d’énergie plus difficile peut-être que l’énergie proprement dite. En un mot. il faut éviter de devenir neurasthé-