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échappé d’un livre de légendes germaines, et je constatais avec dépit que, tout en me haussant sur les talons, je ne lui arrivais qu’aux épaules.

M. Denys Cochin s’était assis. Il savait pourquoi je venais, à une pareille heure, le déranger, et, en homme résigné à toutes les exigences de l’actualité, il s’apprêtait stoïquement au supplice de me parler de lui durant plusieurs milliers de secondes. À la fois ennuyé et amusé, m’évitant tout préambule, il me répondit avant même que je l’eusse questionné.

— Eh bien ! voilà, dit-il ; commençons par le commencement.

J’ai été élève de Louis-le-Grand, et j’ai eu là comme professeur, entre autres, le digne M. Merlet. La guerre arriva, je m’engageai au 8e lanciers. Bourbaki me prend comme porte-fanion, je fais toute la campagne de l’Est… Une terrible campagne, par la pluie, la neige, à travers des contrées glacées et gelées… Nous avions presque tous la dysenterie. Enfin, je suis de toutes les rencontres, Villersexel, Héricourt… Bourbaki me donne la médaille militaire, puis je passe en Suisse et j’y demeure prisonnier jusqu’au 17 mars. En rentrant à Paris, je trouve ma famille se préparant à fuir. La Commune avait éclaté, et un ouvrier d’une compagnie de chemin de fer, dont mon père était administrateur, était accouru le prévenir que son arrestation était décidée. Nous n’avons eu que le temps de partir. La tourmente finit. En 1872, mon père meurt ; nommé préfet de Versailles par